May 02, 2022

Loi de Moore : pouvons-nous maîtriser l’innovation avant que la physique nous rattrape ?

Le transistor est le composant principal de toute l'électronique moderne, et il est considéré comme l'une des plus grandes innovations du XXème siècle. Certains transistors sont utilisés individuellement, mais la plupart sont utilisés dans des circuits intégrés, par exemple dans des circuits numériques, où l'organisation des transistors leur permet de fonctionner comme des portes logiques, des mémoires de type RAM et des microprocesseurs.  De nos jours, il existe même une loi qui prédit leur croissance en nombre chaque année : la loi de Moore. On essayera dans cet article d'expliquer le fonctionnement des transistors, comment ils sont devenus la pierre angulaire des dispositifs électroniques modernes, et surtout, quel est leur futur ainsi que celui de la loi qui semble en régir l'évolution. 


Le fonctionnement du transistor repose sur les semi-conducteurs. Un semi-conducteur est un matériel qui, de par sa structure atomique, ne possède pas d'électrons libres, donc le courant ne peut pas circuler à travers. Cependant, il possède quelques impuretés : des atomes qui ne peuvent pas destiner la totalité de ses électrons pour former des liaisons covalentes et qui peuvent, à condition d'appliquer un champ électrique, se déplacer dans la matériel. Un semi-conducteur est donc un isolant qui peut devenir conducteur s'il est placé dans un champ électrique. 

Dans un transistor, 3 semi-conducteurs sont placés côte à côte. Le système à deux entrées, l'émetteur (E) et la base (B), et une sortie, le collecteur (C).


 


Le courant pourra circuler entre E et C de différentes façons, selon le courant qui arrive en B (qui agit comme une sorte de commande). S'il n'arrive pas de courant en B, alors aucun courant circule entre E et C : le transistor se comporte comme un interrupteur fermé. S'il arrive un courant faible en B, un courant de plus grande intensité va circuler entre E et C. Cette fonctionnalité pourra être appliquée en électronique numérique, où en se servant du caractère binaire de l'entrée B et sortie C du transistor on pourra créer des portes logiques (un AND en couplant les transistors en série, un OR en les couplant en parallèle), mais aussi en électronique analogique, où on va s'en servir comme amplificateur (le signal en B est amplifié à la sortie). Finalement, si on augmente beaucoup le courant en B, le courant entre E et C ne pourra pas augmenter à l'infini : la transistor arrive à un moment donné à un état de saturation. 


Ainsi, en 1954 est commercialisé le premier transistor, et beaucoup commencent à le voir comme un composant qui va révolutionner l'électronique. Pour d'autres, réaliser cela va prendre un peu plus de temps.


Gordon Moore, un chimiste qui en 1955 occupe le poste d'ingénieur-chercheur au Shockley Semiconductor Laboratory, ne croyait pas au potentiel des transistors. En effet, il pensait qu'il s'agissait d'un composant fragile et peu efficace. Par la suite, il a voulu le rendre plus petit et augmenter le nombre de transistors utilisés dans ses circuits, pour que leur construction devienne rentable. Pour mettre en place cela,  en tant que directeur de l'ingénierie de sa propre entreprise Fairchild Semiconductor, Moore a créé une feuille de route où il posait l'objectif de construire de plus en plus de transistors chaque année. Ainsi, il pourrait battre la concurrence et gouverner l'industrie des circuits intégrés. Et c'est bien ce qui s'est passé : les ingénieurs ont réussi à perfectionner les transistors et l'entreprise de Moore en vend de plus en plus toutes les années, en respectant les délais imposés par la feuille de route. En effet, le nombre de composants par circuit intégré double chaque année. Les entreprises concurrentes remarquent que l'évolution du nombre de transistors reste constante. De plus, à Intel, entreprise cofondée par Moore, ses collègues et lui font la promotion de cet outil au point que celui-ci finit par être considéré comme une loi quasi-physique qui va régir l'évolution de la microélectronique : il s'agit de la loi de Moore. De nos jours, le nom de «loi» est trompeur, vu que le fait observé est simplement le résultat de la mise en place d'un outil de gestion créé par Moore afin d'avoir la maîtrise de l'innovation. 


Nous l'avons dit plus tôt, la loi de Moore prédisait que le nombre de transistors utilisés dans les microprocesseurs doublerait tous les deux ans. Cette feuille de route introduite dans les années 70 fut respectée à la lettre au fur et à mesure des années. Néanmoins, si celle-ci fonctionna à merveille jusqu'ici, cette loi commence désormais à rencontrer des limites, de telle sorte qu'on s'interroge sur la fin de la loi de Moore.

En 2016 déjà, Intel a annoncé pour la première fois modifier sa cadence de renouvellement de ses processeurs. Ceux-ci n'auraient plus lieu tous les deux ans – comme c'était le cas depuis 1975 – mais plutôt tous les deux ans et demi. Ce retard s'explique assez simplement: la puissance des processeurs commence à atteindre un vrai palier physique. Les transistors mesurent aujourd'hui une taille infiniment petite – proche de celle d'un virus – les rendant bien trop coûteux à produire. Mais surtout, cette taille est une limite que l'on ne pourra bientôt plus dépasser. Effectivement, en réduisant davantage la taille des transistors, nous rencontrons un important problème physique : ce que l'on appelle l'effet tunnel. Il s'agit d'un phénomène – principalement visible en physique quantique – observé lorsqu'on objet franchit une barrière de potentiel alors qu'il possède une énergie insuffisante pour la franchir. Dans le cas des électrons servant à transporter les informations entre les différents composants électroniques, si on réduit trop la taille des transistors, donc si ces barrières deviennent trop fines, alors l'électron n'est plus contenu dans son espace et se met à « franchir » ces barrières. Il est en quelque sorte à la fois d'un côté et de l'autre de la séparation, et finit même par complètement se retrouver de l'autre côté : ce qui, vous vous en doutez, empêche le bon fonctionnement du processeur.

Malgré les limitations sur les futurs transistors, la réduction de la cadence annoncée en 2016 aura pour conséquence positive de retarder cette fameuse limite. Mais pour combien de temps ? De nombreux constructeurs réalisent des expérimentations pour condenser encore un maximum les microprocesseurs. Néanmoins la plus petite taille physique possible sera bientôt atteinte ; il est donc temps de réfléchir à une autre technologie qui viendra remplacer le microprocesseur actuel. On peut notamment évoquer des recherches sur des nanotubes de carbone pouvant remplacer les transistors ou bien même encore des études sur des protéines qui seraient aptes à remplacer les électrons afin de transmettre les informations. Néanmoins, cela ne contournera pas un autre obstacle que nous risquons de rencontrer bientôt sur les futurs processeurs : leur puissance de calcul trop faible, obsolète et inapte à réaliser certaines tâches. La solution à cela ne sera donc probablement pas une simple amélioration des transistors. L'avenir de l'informatique se fera peut-être davantage du côté d'une technologie bien différente : les calculateurs quantiques. 


Blog écrit par Rita SILVA, Guillem JOSEPH et Yann ARNOULD


Sources :

Histoire et fonctionnement d'un transistor: https://www.areatecnologia.com/TUTORIALES/EL%20TRANSISTOR.htm