September 24, 2024

Les déchets radioactifs


Pour répondre à nos besoins énergétiques s’accroissants de jours en jours, l’un des moyens de production d’énergie vers laquelle se tournent plusieurs pays est le nucléaire : il répond d’une part à la problématique environnementale (faible émission de CO2) et à celle du rendement. Cependant, l’inconvénient principal du nucléaire sont ses déchets : produire de l’énergie implique la formation de déchets nucléaires, et donc nocifs pour le vivant (dont les humains). Actuellement, la plupart de nos déchets nucléaires sont enfouis sous terre [4] dans des bunkers et caves hermétiques, là où les radiations n’atteindront personne. Nous prenons alors soin de ne pas construire ou creuser près des endroits où nous stockons nos déchets radioactifs. Mais une civilisation postérieure à la nôtre, ne sachant pas qu’il y a des déchets à tels endroits, pourrait se lancer dans des projets de construction à ces endroits et tomber sur les déchets radioactifs en creusant le sol. Cela poserait un risque grave pour la santé des ouvriers et des habitants de cette future civilisation. Comment pouvons-nous donc transmettre l’emplacement des sites d’enfouissements à des post-civilisations qui n’auront ni la même culture ni la même langue que nous ?


Bonne nouvelle, les déchets radioactifs disparaissent avec le temps : c’est ce qu’on appelle la décroissance radioactive. Les atomes radioactifs issus des réactions nucléaires se produisant dans les réacteurs sont instables et se re-stabilisent en émettant des rayons radioactifs nocifs. Les déchets radioactifs ont tous une demi-vie. Soit un temps au bout duquel la moitié des atomes radioactifs se seront re-stabilisés. Nos déchets radioactifs actuels ont soit une demi-vie courte (ces déchets deviennent sûrs au bout de 300 ans) soit une demi-vie longue (ces déchets deviennent sûrs au bout d’environ 105 années, comme le Pu242 [2] [1]). Ce sont ces derniers qui posent problème, car d’après la collapsologie -l’étude très large de la fin de notre civilisation-, il est très probable que notre civilisation s’arrête avant l’inactivité de ces déchets [5], ce qui rend réelle la menace d'un forage au mauvais endroit par une nouvelle civilisation.


La sémiotique nucléaire [4], un champ de recherche dont le seul but est de trouver une manière d’avertir les futurs habitants de la Terre nous a donné plusieurs champs de recherche. Dans le cas d’une transformation douce de la société, les installations de stockage des déchets pourraient s’incorporer à la culture, de telle sorte que l’information du danger que représente les déchets soit transmise de générations en générations [6]. Même si l’humanité régresse en science et connaissance, nous inventerons aisément quelque mythologie pour contraindre le reste de la population à ne pas s’aventurer dans ces endroits. Par exemple, en Europe, les modèles d'avertissement reposent principalement sur l'intégration des installations de stockage des déchets au sein de la société, de telle sorte que les informations sur leur présence puissent être transmises à travers le temps et les âges [6].   


Cependant, dans le cas d’une fin brutale de notre civilisation, il n’y aurait aucune transmission de ce type. Il faut donc réfléchir à des alternatives qui nous permettront de faire passer un message à des civilisations avec lesquelles nous n’auront rien ou presque rien en commun. 

La création de gigantesques monuments effrayants autour de sites radioactifs et un renforcement de la difficulté d’accès au site pourrait être une des voies de transmission de la dangerosité de ces sites. De plus, dans des archives enfouies autour du site et à l’intérieur, on écrirait sur du papier spécial de longue vie (qui n’est pas réellement du papier mais plus un alliage de métaux) un message facilement déchiffrable par des archéologues d’autres langues, sur la dangerosité du site, et qui tiendrait plusieurs dizaines de milliers d’années au mieux. Le principal inconvénient de cette idée est qu’elle pourrait produire l’inverse de l’effet désiré : ces monuments pourraient attirer des archéologues, des explorateurs qui n'attendront pas le déchiffrement de nos indications, ou alors qui les braveront, ou de simples civils faisant de l’urbex [7] (tout cela sachant que le papier de longue vie ne tiendra pas aussi longtemps que la radioactivité des déchets). Un cas similaire s'est déroulé lors de la fouille archéologique des pyramides d’Egypte avec la malédiction du pharaon [8]. De nombreux explorateurs se sont rendus dans le tombeau de Toutânkhamon sans peur et sont morts quelques jours après. Une rumeur de malédiction qui s'abattait sur quiconque oserait profaner le tombeau s'est alors répandue. On sait aujourd’hui que la mort de ces explorateurs est due aux nombreux champignons et bactéries qui avaient proliféré dans la salle humide du tombeau et infecté les explorateurs. Une telle légende de malédiction a de très grandes chances d'apparaître en cas d’exploration des zones de stockage par une civilisation ignorante de la radioactivité. 


Parmi les nombreuses solutions à long terme que la sémiotique nucléaire a trouvé, la suivante a retenu notre attention : parlons chat, parlons radiochats [9]. Le projet fou, proposé par Françoise Bastide et Paolo Fabbri, consisterait à développer une capacité de changement de couleur aux chats lorsque ceux-ci sont dans un milieu assez radioactif pour être nocif en les modifiants génétiquement, puis de créer un folklore autour d’eux qui porterait sur la dangerosité de l’endroit lorsqu’ils changeraient de couleurs. Ces chats seraient alors idéalement relachés en pleine nature (après que l’on se soit assuré de l’indifférence de leur introduction dans ce milieu), ou vendu au départ comme produit marketing de luxe sans doute. Le folklore autour de leur détection s’auto-entretiendrait, et pourra se recréer de lui-même. Il nous manque juste ces radiochats. Nous n’avons pas encore la technologie pour en produire mais cela n’est pas totalement insensé, du moins, aussi insensé que d’avoir fait une boulette en viande de mammouth [10].


En conclusion, la sémiotique nucléaire a pensé à de nombreuses solutions pour prévenir les civilisations futures. Mais aucune de ses solutions n’a encore été mise en place, effectivement les préparations à la fin catastrophique de la civilisation ne sont pas aujourd’hui nos priorités.


Pour finir, ce sujet si intéressant mais complexe mérite plus qu’un article de blog pour être expliqué dans les détails. Nous vous invitons à lire nos sources ci-dessous pour plus d’informations sur ce sujet.


Blog écrit par : Cortinovis Basile - Guerrien Antoine - Ben Halima Sassi


  1. caminteresse.fr : article sur les déchets radioactifs

  2. wikipedia.org : les déchets HAVL

  3. vie-publique.fr : le traitement des déchets en france

  4. nationalgeographic.fr : l’enfouissement

  5. wikipedia.org : collapsologie

  6. wikipedia.org : message longue durée de vie

  7. urbex : exploration urbaine

  8. wikipedia.org

  9. The Ray Cat Solution : film documentaire de 14 min sur les radiochats

  10. 20minutes.fr : boulette de viande de mammouth

  11. theconversation.com : pour voir plus loin

September 09, 2024

Le synchrotron SOLEIL

 

Synchrotron SOLEIL, CEA Paris-Saclay, 91190 Saint-Aubin


Cet article est associé à un entretien avec  Muriel Thomasset, ingénieure sur le synchrotron SOLEIL au C2N. link

En quoi le synchrotron fait-il avancer la recherche scientifique? Dans Star Wars, Episode IV, le personnage de Han Solo explique au héros Luke la vitesse lumière, une innovation qui permet de voyager à la vitesse de la lumière à travers l’espace. Aujourd’hui, tout le monde sait que c’est impossible, mais l’est-ce vraiment ? Oui et non. Oui d’abord, car on ne peut pas nous même nous projeter à la vitesse de la lumière. Cependant, on peut envoyer des particules à des vitesses très proches de celles de la lumière. Et ça, c’est grâce au synchrotron ! Le synchrotron… En entendant ce mot, tout le monde n’aura pas les mêmes images dans la tête. Certains entendront un mot bizarre, d’autres auront vaguement l’idée d’une obscure machine scientifique dont ils auraient entendu parler grâce à un prof de Physique-Chimie un peu trop optimiste, et d’autres, enfin, auront dans la tête des dessins colorés, et un grand combat mêlant les différents variants multiversels du meilleur super héros (Spider-Man : Into the Spiderverse… que de souvenirs !). Mais ce n’est pas vraiment de ça dont on va parler ici. Le synchrotron n’est ni un mot bizarre, ni une machine obscure, et Wilson Fisk tout comme le Capitaine Kirk n’ont jamais réussi à saisir la subtilité d’une invention tout aussi incroyable qu’utile pour nos chercheurs.

Mais d’abord, c’est quoi, le synchrotron ? D’après Wikipédia (un site certes peu scientifique mais une bonne source d’informations pour commencer les recherches), le synchrotron « est un instrument électromagnétique de grande taille destiné à l’accélération à haute énergie de particules élémentaires ». L’article réservé aux synchrotrons sur le site du Sénat ajoute que “Les synchrotrons sont des grands instruments d’analyse de la matière [...] produisant des rayonnements électromagnétiques de toutes longueurs d’onde”. Un peu compliqué, je vous l’accorde. Bon, pour faire simple, on injecte des protons ou des neutrons, c’est-à-dire des particules minuscules (les composants du noyau des atomes) dans le tube du synchrotron, qui sert d’accélérateur de particules. On leur fait faire des tours du tube en accélérant, un peu comme dans la série The Flash, lorsque Barry court en faisant des tours dans un accélérateur de particules pour atteindre de très grandes vitesses (et voyager dans le temps, ce qui est malheureusement toujours impossible, même avec un synchrotron). Une fois que les particules ont atteint des vitesses avoisinant celle de la lumière, on peut observer leur comportement dans ces conditions particulières. D’éventuelles déformations, l’impact d’une collision entre deux particules, etc... Le but étant de comprendre certaines propriétés de la matière, et ainsi mieux comprendre l’Univers, et notamment sa “naissance”, une partie de l’histoire de l’Univers qu’on ne connaît qu’assez peu.  

 

Alors, à quoi ça sert ? À faire des courses de particules élémentaires ? Même si l’idée a l’air incroyable… pas vraiment… À rien ? Pas vraiment non plus… À observer le comportement de particules à des vitesses proches de celle de la lumière pour mieux comprendre l’organisation de la matière et mieux comprendre l’histoire de l’univers ? Well done, Sherlock ! C’est exactement ça ! En accélérant des particules jusqu’à des vitesses proches de celle de la lumière, on peut en découvrir beaucoup sur le fonctionnement desdites particules et de l’Univers, ce qui est utile pour la physique, la chimie, la biologie, et en allant plus loin à l’histoire et l’archéologie (la datation, ce n’est rien d’autre que de la physique nucléaire, et les noyaux sont faits… de protons et de neutrons !). Le synchrotron est donc loin d’être une machine obscure, c’est un instrument scientifique incroyable ! Et, on en trouve où ? Un peu partout dans le monde, mais ce qui nous intéresse ici, c’est la France, et justement, il y en a plusieurs en France. Il y a quelques semaines, nous avons reçu une ingénieure qui travaillait sur le synchrotron SOLEIL, qui se trouve être en région parisienne. Muriel Thomasset est une ingénieure travaillant sur le synchrotron SOLEIL pour le C2N (Université Paris-Saclay) et qui a travaillé pendant 23 ans sur les synchrotrons français. C’est notamment cette interview réalisée avec elle qui nous a servi de source principale dans la rédaction de cet article de blog.


Et voilà, vous savez maintenant ce qu’est un synchrotron, à quoi ça sert, et même où en trouver. Il ne vous reste plus qu’à devenir ingénieur pour travailler avec Muriel Thomasset sur le synchrotron SOLEIL ! Et si vous l’êtes déjà, et bien félicitations ! À la revoyure !

Auteurs du blog : FIQUET Lucien, MEIMOUN Samuel, OLAGNIER Nans

Sources :

Muriel Thomasset, ingénieure sur le synchrotron SOLEIL au C2N

https://fr.wikipedia.org/wiki/Synchrotron

https://www.senat.fr/rap/r99-273/r99-2732.html#:~:text=Les%20synchrotrons%20sont%20des%20grands,coûts%20de%20mise%20en%20oeuvre.

https://www.synchrotron-soleil.fr/fr