Lors de la création d’un champ magnétique puissant, il est nécessaire de faire passer un courant électrique dans les matériaux conducteurs. Cependant, ce processus présente un problème majeur : la résistance électrique. Lorsque le courant traverse un conducteur, les électrons en mouvement entrent en collision avec les atomes du matériau, qui vibrent naturellement. Ces collisions provoquent une perte d’énergie sous forme de chaleur. Dans un champ magnétique, une force appelée force de Lorentz agit sur les électrons en mouvement, perpendiculairement à leur direction.Cette force dévie la trajectoire des électrons en une courbe, souvent hélicoïdale (en forme de spirale), les forçant à parcourir une distance plus longue dans le matériau. Ceci entraîne un plus grand nombre de collisions et donc une plus grande perte d’énergie sous forme de chaleur.
Toutefois, il est possible d'annuler cette résistance électrique. En 1911, le physicien néerlandais Heike Kamerlingh Onnes a découvert que, lorsque certains matériaux sont refroidis à des températures extrêmement basses (de l'ordre de -270°C), la résistance électrique disparaît, éliminant ainsi les pertes d’énergie. À ces températures, les atomes vibrent moins, réduisant les collisions avec les électrons. Moins perturbés, ces électrons peuvent s'associer par paires, grâce à des interactions avec le réseau cristallin du conducteur. Ces paires, appelées paires de Cooper, sont plus stables et peuvent se déplacer dans le champ magnétique sans collision avec les atomes. Ainsi, il n’y a pas de perte d’énergie. Les forces de Lorentz s’appliquent toujours, mais les électrons rencontrent moins de vibrations atomiques, leur mouvement est donc moins perturbé. Ces matériaux qui n’opposent quasiment aucune résistance au passage du courant électrique sont appelés matériaux supraconducteurs comme le mercure qui est le premier à avoir été découvert, le niobium ou encore le plomb. La supraconductivité permet ainsi de produire un champ magnétique sans perte d’énergie, ce qui est crucial pour des applications comme la fusion nucléaire, notamment dans le projet ITER.
Le projet ITER (International Thermonuclear Experimental Reactor) est un Tokamak, une machine conçue pour réaliser des réactions de fusion nucléaire. Ces réactions ont lieu dans un plasma chauffé à 150 millions de degrés Celsius, soit dix fois la température du cœur du Soleil. À de telles températures, il est impossible de confiner le plasma dans un matériau solide, car celui-ci fondrait instantanément. C’est pourquoi des champs magnétiques puissants sont utilisés pour maintenir le plasma confiné, sans contact direct avec les parois du réacteur.
Cependant, étant donné la taille massive des électroaimants (24 mètres de diamètre pour le plus grand aimant toroïdal (à rappeler qu’un aimant de forme toroïdal correspond à un aimant dont la surface géométrique est engendrée par la révolution d’un cercle), et 14 mètres de hauteur pour les 18 aimants verticaux), la quantité d’énergie nécessaire pour les alimenter rendrait l’opération non rentable. Si les aimants d’ITER étaient en cuivre, il faudrait l'équivalent d'une centrale nucléaire (environ 800 MW) pour les alimenter, ce qui en deviendrait problématique. De plus, la résistance électrique de ces aimants entraînerait l’échauffement des conducteurs, pouvant les faire fondre.
La solution réside dans l’utilisation de la supraconductivité. De cette manière, il n’y a que très peu de perte d’énergie, et moins d’énergie est nécessaire pour alimenter les aimants. En effet, seuls 20 MW sont nécessaires pour alimenter les aimants supraconducteurs d'ITER, dont la majorité est consacrée au système de refroidissement (loin des 800 MW requis pour des aimants en cuivre).
Les aimants d’ITER sont principalement constitués de niobium-titane, un alliage supraconducteur qui permet de conduire le courant sans perte d’énergie à basse température. Ces aimants doivent être refroidis à -269°C, grâce à un type de câble supraconducteur inédit : le « câble-en-conduit », où les brins supraconducteurs sont enfermés dans une gaine d’acier, avec un fluide de refroidissement circulant à l’intérieur. Le fluide utilisé est de l’hélium superfluide, un liquide capable de s’écouler sans viscosité à des températures extrêmement basses, offrant plusieurs avantages : il reste liquide contrairement à l’eau qui gèlerait, et ses propriétés superfluides permettent de transférer la chaleur de manière efficace. L’hélium superfluide est produit directement sur le site d’ITER, à Cadarache, dans une usine cryogénique spécialisée.
Pour éviter le transfert de chaleur entre le plasma et les aimants, plusieurs systèmes sont mis en place : des boucliers thermiques, une isolation avancée composée de plusieurs couches de matériaux isolants créant un vide thermique, et la conception d’un cryostat, une enceinte conçue pour maintenir un environnement ultra-froid tout en étant exposée à des températures élevées à l’intérieur.
- site officiel projet ITER https://www.iter.org/fr/en-quelques-mots
- Youtube : “Fusion nucléaire, les promesses d’une énergie” Arte
- Youtube : “Le projet ITER : la fusion nucléaire, l’énergie du futur ?” Balade Mentale
- Youtube : “[Comment ça marche] Qu’est-ce que la supraconductivité ?” CEA
- Youtube : “C'est quoi la supraconductivité ?” esprit sorcier
- Youtube : “La fusion nucléaire, l’énergie du futur” tf1 info
- site ITER https://www.iter.org/fr/machine/aimants
- article culture sciences de l'ingénieur Paris Saclay “les supraconducteurs ces matériaux fascinants”