June 23, 2025

Toujours plus froid

Au 17ème siècle, le physicien français Guillaume Amontons découvre la notion de zéro absolu.C'est l'état dans lequel le mouvement thermique (le mouvement des atomes et des molécules) est nul et l'énergie cinétique des particules devient minimale. En d’autres termes, le zéro absolu est la température la plus basse possible dans l’univers. Il l’a estimé à ce qui est aujourd’hui -240 ℃ dans ses recherches sur les thermomètres, qui supposait que la pression du gaz devient nulle à une certaine température lorsqu'il est refroidi. Cependant, aucune norme n’a été établie pour décrire les mesures de température sous forme de chiffres à cette époque, en effet le degré Celsius a été créé en 1742. Plus tard, au XVIIIe siècle, Jacques Charles et Joseph Louis Gay-Lussac approfondirent cette idée et estimèrent le zéro absolu à -273 ℃. Aujourd'hui, sur la base de nombreuses études de recherche, il est défini comme -273,15 ℃. Par la suite, l’échelle du Kelvin est établie : il suit la même échelle que le °C mais 0K correspond au froid absolu. 0°C = 273,15 K

Afin de mesurer des températures, de nombreuses méthodes de mesure ont été développées en utilisant des lois physiques,comme la dilatation thermique volumique, la susceptibilité magnétique, ou la loi d’Amontons, qui avec la loi d’Avogadro a permis d’élaborer l’équation de gaz parfait : PV=nRT. Cela a permis de développer les thermomètres à gaz.

La dilatation des liquides ou des métaux a aussi permis de développer des thermomètres car lorsque des liquides ou des métaux sont soumis à des variations de températures, leur volume varie. Les cristaux liquides sont aussi utilisés car ceux-ci, due à une réaction chimique, changent de couleur en fonction de la température… On trouve également des thermomètres électroniques qui utilisent diverses sondes.


Tous ces thermomètres ne permettent pas de mesurer des températures proches de 1 Kelvin, en effet, la plupart des thermomètres sont constitués de liquides ou de gaz qui vont se solidifier, même pour les métaux ces températures très basses ne permettent plus une lecture de température optimale, et pour les cristaux liquides, ceux-ci ne peuvent descendre sous -55°C avant de changer d’état. Ainsi, seuls quelques types de thermomètres sont capables de mesurer des températures toujours plus froides.


Parmi eux on peut citer les thermomètres magnétiques, qui utilisent la loi de Curie (xm=C/T avec C constante de Curie et T température) et qui sont capables de mesurer des températures jusqu’à 0,15K. Ils peuvent déterminer très précisément la température en mesurant la variation de l’intensité du magnétisme d’un certain aimant.

Il y a également les thermomètres à bruit de grenaille qui permettent de mesurer des températures aussi basses, en mesurant l’agitation des particules électroniques dans une résistance selon la  loi : v^2=Kb.T.R.dF


Par ailleurs,le type de thermomètre dont fait partie celui à l’Oxyde de Ruthénium, use d’un autre fonctionnement pour déterminer la température, et c’est ce que nous allons voir ici.


1-The ruthenium oxide thermometer develoepd by QuantumCTek Co

Ce dernier, élaboré en 2024, a établi un record en mesurant des températures allant jusqu’à 6 millikelvins, alors que les autres types de thermomètre ne sont pas capables de déterminer des températures en-dessous de 100 millikelvins (ce qui correspond à une température d’un millième de degré seulement au-dessus du zéro absolu)..

L’oxyde de ruthénium (RuO2) est un semi-conducteur, un matériau qui possède une caractéristique surprenante : en fonction de l’intensité d’un courant, il se comporte comme un isolant ou comme un conducteur. Nous utilisons les propriétés de ces éléments tous les jours, que ce soit dans les téléphones, les satellites, les voitures électriques ou tout autre appareil électronique.

Pour réussir une telle avancée, les ingénieurs de ce projet se sont appuyés sur une relation qui existe entre la résistance d’un matériau semi-conducteur, et la température. Cette relation décrite est appelée le “Coefficient de Résistance Thermique” (TCR). Cela s’explique par le fait que plus un matériau est chaud, plus il y a de collisions électroniques entravant le flux d’électron dont le courant est constitué ce qui augmente la résistance du matériau. Ainsi, en déterminant la « facilité » avec laquelle un courant passe dans la matière, on peut déterminer sa température.

Comme cette corrélation dépend également du matériau utilisé, il faut d’abord réaliser un « calibrage » de la résistance de celui-ci avec des températures connues. Pour cela, on mesure la valeur de la résistance du matériau pour des températures connues afin de tracer un graphique représentatif de la résistance en fonction de la température. De ce fait, on  peut associer chaque valeur de la résistance à une température. On peut désormais mesurer n’importe quelle température en connaissant la résistance du matériau, et c’est cette relation qu’exploite ce thermomètre.

Nous pouvons alors nous demander pourquoi ces chercheurs ont décidé de prendre de l’oxyde de ruthénium (RuO2) pour constituer ce thermomètre. Ce choix stratégique réside dans les propriétés intéressantes de ce cristal semi-conducteur : la variation du courant suit de manière stable la température, même dans un froid très important, ce qui permet d’obtenir des résultats aussi impressionnants.

De plus, le thermomètre d’oxyde de ruthénium offre une meilleure précision pour relever la température au cœur des ordinateurs quantiques par exemple, de l’ordre de 10^-5 Kelvin. Un ordinateur quantique est une machine capable d’exploiter des propriétés quantiques pour faire des calculs plus complexes.

Ils sont néanmoins trop instables pour l’instant pour être pleinement exploitables, il faut pouvoir contrôler leur température avec précision, d’où l’importance de ce thermomètre, utile pour ajuster les conditions dans lesquelles fonctionne l’ordinateur quantique, qui sont très précises à cause de la présence de qubits – ou bits quantiques – qui le composent. La principale caractéristique de ces qubits est leur capacité à utiliser un système tertiaire, plus complexe que le système binaire des ordinateurs, avec une superposition des états 0 et 1 impossible dans les composants électroniques classiques. Cela permet de réaliser des calculs complexes beaucoup plus rapidement.

Afin de disposer de ces qubits, une des solutions est d’utiliser les propriétés supraconductrices de matériaux, qui ne se manifestent qu’à très basse température, proche de 0 Kelvin. La supraconductivité permet de disposer de qubits car elle permet l'émergence d’une propriété quantique : la superposition d'états. L'état dans lequel est une particule est une information d'un qubit. Savoir mesurer les températures extrêmes est donc essentiel pour pouvoir ajuster la température dans lesquelles se trouvent les instables qubits, et c’est ce que ces ingénieurs ont réussi à faire avec ce thermomètre d’oxyde de ruthénium.

Blog réalisé par :  Axel FLOREAU, Hamza EL YAMANI, Matéo CHENE


Sources :

https://www.globaltimes.cn/page/202406/1314212.shtml (source de la photo 1)


https://www.polytechnique-insights.com/tribunes/science/lordinateur-quantique-tout-comprendre-en-15-minutes/ 


https://www.youtube.com/watch?v=yyEXaWoTyuE 


https://journals.aps.org/prx/abstract/10.1103/PhysRevX.10.041054 


https://www.google.com/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=&ved=2ahUKEwi52r67_8mJAxWjT6QEHVhqNBYQFnoECBQQAQ&url=https%3A%2F%2Fwww.researchgate.net%2Fpublication%2F234986179_A_commercial_ruthenium_oxide_thermometer_for_use_to_20_millikelvin&usg=AOvVaw1ByhtM_nlMsrp8385nYz8M&opi=89978449 


https://www.titech.ac.jp/english/public-relations/about/stories/absolute-zero 

Quel est le lien entre la température et la résistance ? | Electrotopic.com 

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Qu’est-ce qu’un qubit ? | IBM