December 23, 2021

"Vous vous souvenez de..." : le mécanisme de la mémoire

Chaque jour, chaque minute, chaque seconde, notre cerveau apprend. Que ce soit une nouvelle langue, une rencontre avec notre artiste favori ou encore une nouvelle leçon en mathématiques, c'est la mémoire qui est responsable du fait que nous pourrons, dans deux semaines, un an ou encore toute notre vie s'en souvenir. En effet, la mémoire est notre précieux allié pour enregistrer les multiples et diverses informations qui nous viennent de nos expériences et de notre environnement. Elle permet de capter, coder, conserver et restituer tout ce que nous percevons. Mais, d'un point de vue scientifique, comment fonctionne-t-elle ?

La mémoire humaine est divisée en plusieurs petites "sous-mémoires" (ou systèmes), chacune dédiée à une tâche particulière. Il existe ainsi cinq systèmes. La première, la mémoire à court terme (aussi appelée mémoire de travail), est celle la plus souvent utilisée au quotidien. Elle permet de retenir des informations durant la réalisation d'une tâche (par exemple, retenir un numéro de téléphone).

On trouve ensuite la mémoire sémantique, directement liée aux connaissances du langage et de soi. Propre à chaque individu, elle se construit tout au long de notre vie et s'agrandit avec l'apprentissage de nouveaux mots ou concepts. Très proche de cette dernière, la mémoire épisodique est, elle, une sorte d'autobiographie de l'individu, stockant tous les moments personnels marquants, et permettant à la personne de se situer dans le temps et l'espace. Elle permet aussi de se projeter dans le futur. C'est, par exemple, cette mémoire qui nous aide à construire des scénari plausibles pour une situation donnée.

Nous avons ensuite la mémoire procédurale, qui est responsable des automatismes, tels que la marche à pied ou le vélo. Particulièrement sollicitée chez les sportifs ou artistes de haut niveau, elle consiste à enregistrer un mouvement répété de nombreuses fois. Enfin, la mémoire perceptive, comme son nom l'indique, est chargée de se souvenir de tout ce qui est lié aux sens (odeurs, visages des gens, sensations…).

Ainsi, ces différents systèmes interagissent entre eux pour former notre mémoire telle que nous la connaissons. Par exemple, les mémoires procédurales et perceptives induisent une économie cognitive ; cela permet ainsi à un individu de pouvoir penser ou effectuer d'autres actions tout en réalisant une activité routinière. D'autre part, le processus de mémorisation fait souvent intervenir plusieurs types de mémoire qui agissent majoritairement pendant notre sommeil. Ainsi, c'est pendant notre phase de repos que les informations jugées "importantes"  sont déplacées de notre mémoire à court terme vers d'autres mémoires à long terme, pour être stockées. De plus, les rêves, que nous formons pendant notre sommeil, sont en fait un assemblage, plus ou moins anarchique, d'expériences récentes et d'éléments marquants parmi nos souvenirs ; certains impliquant des émotions, telles que la peur (on parle alors de cauchemar) ou bien la tristesse, la nostalgie, etc…

La mémoire, constituée des cinq sous-parties évoquées précédemment, fait interagir différentes parties spécifiques du cerveau. La mémoire à court terme fait intervenir le cortex préfrontal ; la mémoire sémantique sollicite le néocortex ; la mémoire procédurale implique les corps striés ainsi que le cervelet ; enfin, la mémoire épisodique met en jeu l'hippocampe, mais aussi le thalamus et le cortex préfrontal. On peut, cependant, noter que l'hippocampe, plus que le reste, joue un rôle essentiel. En effet, par sa place au cœur du cerveau, il assure la connexion entre les différentes zones cérébrales. Évidemment, sans qu'on s'en rende compte, c'est lui qui est responsable de la transition de nos souvenirs, de la mémoire courte vers la mémoire à long terme. De plus, il possède une fonction de « carrefour » où il garde les informations en transit avant de les rediriger vers les zones corticales où elles seront ensuite stockées. 

Pour aller encore plus loin, on peut dire que la mémoire résulte des interactions entre nos milliards de neurones. En effet, un souvenir est stocké dans un réseau composé d'une grande quantité de neurones, connectés les uns aux autres. La mémorisation est, alors, une modification des connexions neuronales au sein d'un des systèmes de mémoire.

On peut établir deux grandes étapes pour résumer le principe de mémorisation. L'encodage est la première étape : c'est le moment où l'information entre dans le cerveau par le biais d'un de nos cinq sens. Ensuite, vient la consolidation, ou le stockage, de celle-ci : le cerveau va conserver l'information le plus longtemps possible.

Mais, une fois toutes ces informations stockées dans les méandres de notre cerveau, comment nous remémorons-nous nos souvenirs ? Par quel principe neurologique ou chimique ces souvenirs remontent-ils à la surface ?

Tout d'abord, il faut voir notre cerveau comme une pelote de laine, où chaque fil serait un neurone et où des connexions entre ces fils pourraient se créer un peu au hasard. Sauf que dans le cerveau, les connexions neuronales (ou synaptiques) ne se forment pas par le biais du hasard- en tout cas, pas pour les souvenirs. En effet, un même souvenir peut être stocké sur des neurones différents, voir des parties du cerveau différentes, en fonction de sa nature et des systèmes de mémoire auxquels il fait appel. Alors, pour reconstituer ce souvenir, il faudra faire appel, la plupart du temps, à un stimuli externe qui permettra aux connexions neuronales de se faire entre les bonnes parties du cerveau. Par exemple, c'est l'odeur de la tarte aux pommes tout juste sortie du four qui vous fera remonter le souvenir des après-midis chez votre grand-mère, quand vous aviez dix ans.

De plus, la modification des liaisons synaptiques est due un changement de l'activité électrique. Ce serait alors l'odeur de la tarte aux pommes qui modifierait cette activité (trop forte !). Une enzyme spécifique permettrait aussi de fixer l'information à long terme, ce qui explique que nous ayons des souvenirs qui puissent nous rester toute notre vie.

Les connexions neuronales sont donc en constante évolution et aident à la consolidation (ou non) de l'information. La plasticité neuronale joue un rôle clef dans ce parcours. En effet, c'est en sollicitant le plus régulièrement possible le réseau neuronal que les connexions seront renforcées, engendrant un stockage durable de l'information.

Blog écrit par Vincent Lefloch, Tatiana Ranger, Violette Godbille

Sources.

INSERM : « Mémoire, une affaire de plasticité synaptique »

https://www.inserm.fr/dossier/memoire/


Article de la Fédération pour la Recherche sur le Cerveau (FRC)

https://www.frcneurodon.org/comprendre-le-cerveau/a-la-decouverte-du-cerveau/la-memoire/


Sciences et Vie : « Cerveau et Intelligence » (compilation d'articles)

https://www.science-et-vie.com/cerveau-et-intelligence

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