February 20, 2023

Comment l’intelligence artificielle peut-elle aider à comprendre le cerveau humain ?

 


L’IA occupe aujourd’hui une part importante des recherches dans l’innovation et la technique scientifique (voiture autonome, traduction automatique…). Elle se construit sur un apprentissage automatique, aussi appelé machine learning, qui lui permet d’assembler des motifs qui reviennent fréquemment au sein de ses connaissances afin de développer de façon autonome de nouveaux modèles et d’optimiser les réponses apportées aux problèmes. L’IA dispose en fait d’un algorithme qui se perfectionne à chaque nouvelle donnée. Il lui permet ainsi d’acquérir une certaine maturité qui lui donne les capacités de se créer un « réseau de neurones » plus complexe et plus profond. Elle peut ainsi réaliser des tâches indépendantes. Il en est de même pour le cerveau humain qui cherche à faire des connexions entre des nouvelles connaissances et des acquis antérieurs, c’est l’intelligence. Ainsi, lorsque nous utilisons des savoirs appris plus tôt​, nous optimisons notre apprentissage.  

 

Cependant, l’intelligence artificielle possède sur le cerveau humain une avance assez importante : la part d’aléatoire. Lorsque l’on parle par exemple de générateurs de nombres aléatoires, on sait qu’il en existe principalement deux types différents : ceux développés à partir d’un phénomène physique (effet photoélectrique par exemple) et ceux développés à partir d’un algorithme déterministe (les jeux, la simulation…) dont on peut dire qu’ « une même graine donne les mêmes nombres ». Ces algorithmes pseudo-aléatoires sont particulièrement intéressants car ils s’accordent avec le hasard influencé auquel est sujet notre cerveau. En effet, une expérience tirée de la revue La Recherche montre qu’une personne à qui l’on demande de donner au hasard plusieurs dates dans l’année choisira des dates plutôt bien réparties sur l’ensemble des mois, alors qu’un algorithme aléatoire rendrait une composition beaucoup moins homogène.


Néanmoins, ce phénomène pourrait être exploité par le cerveau humain afin de s’améliorer; il faudrait pour cela que les enfants apprennent dès leur plus jeune âge à accepter différentes alternatives pour un mêm​e problème​​​ . En effet, dans le cas de l’IA, le hasard représente une incertitude sur l’aléatoire (bruit de l’aléatoire) qui permet aux neurones de laisser une place pour une nouvelle alternative de sortie plus efficace que les sorties habituelles (solutions, actions en réponse à une sollicitation,…). On entend par sortie plus efficace une solution plus rapide, qui demande moins de travail ou moins d’énergie, qui est plus compréhensible ou encore plus complète. Ainsi, en conservant le même nombre de paramètres en apprentissage, mais en augmentant le nombre de sorties, on oblige les neurones à faire des liens entre les nouvelles données et les anciennes connaissances. En effet, les possibilités étant beaucoup plus nombreuses, il y a plus de chances qu’elles soient reliées entre elles ou bien qu’elles possèdent des éléments corrélés. L’intelligence permet alors au cerveau d’appliquer les acquis antérieurs aux acquis récents pour former une nouvelle solution plus optimale. Si nous pouvions permettre à nos neurones d’agir de même, en ajoutant une part d’aléatoire à chaque savoir acquis, nous pourrions augmenter le nombre de solutions apportées à un problème tout en gardant la même quantité de connaissance requise.


Au-delà de la manière d'optimiser notre apprentissage, ce nouveau modèle d'IA autodidacte nous a également permis de mieux comprendre la formation de notre cerveau au cours de l'évolution. En effet, le machine learning de ces IA étant inspiré du fonctionnement de l'encéphale humain, il existe une forte analogie entre l'évolution des cerveaux artificiels et celle de leur contrepartie biologique. On peut voir cela avec des IA de reconnaissance auditive telle que Wav2Vec 2.0, dont le fonctionnement des couches de neurones les plus enfouies est fortement corrélé à l'activité du cortex préfrontal observé par IRM. Ainsi, au cours de son entraînement, l'IA a indépendamment développé un réseau neuronal similaire au cerveau humain afin de s'adapter à cette nécessité qu'est la capacité de comprendre le langage. Par analogie, on comprend alors que le cerveau humain a dû s'adapter sous le besoin à l'arrivée du langage chez l'Homme pour permettre une compréhension de cette forme de communication. Il a donc développé ce fameux cortex préfrontal, à l'instar de l'IA Wav2Vec 2.0, face à la contrainte linguistique. On comprend ainsi mieux le fonctionnement et l'évolution de notre cerveau, de même que les contraintes auxquelles il a fait face.


Des intelligences artificielles de reconnaissance visuelle ont également reproduit un résultat similaire : une IA ne possédant qu'une voie optique en a, au cours de son apprentissage, développé une seconde; la première s'étant progressivement spécialisée dans la détection d'objet, et la deuxième dans la reconnaissance de mouvements. Après l'apparition de cette nouveauté, l'IA a commencé à obtenir de bien meilleurs résultats et a même commencé à être capable de prédire des trajectoires. Cependant, cette division des voies optiques est exactement la même optimisation que celle que l'on peut retrouver chez les mammifères. On peut alors en conclure que si notre système optique possède deux voies c'est parce qu'elles sont nécessaires à la prédiction visuelle, c'est-à-dire qu'une seule voie n'est "pas suffisante" comme le remarque le neuroscientifique Blake Richards, ayant travaillé sur cette IA(1).


En conclusion, ces nouvelles intelligences artificielles autodidactes, créées pour répliquer le cerveau humain aussi bien dans ses fonctions que dans sa manière d'évoluer, ont permis de mieux comprendre les mécanismes évolutifs ayant mené à l'apparition de ce fameux cerveau ainsi que la manière d’optimiser notre apprentissage en augmentant notre rendement. Cependant, selon Josh McDermott, chercheur au MIT, ce nouveau modèle d'IA reste imparfait et partage toujours "beaucoup de pathologies" avec le modèle d'apprentissage supervisé(1).




Blog rédigé par Timéa Jacob, Rachel Lahmi Menouha et Kylian Brezovsek




Sources

  1. https://www.quantamagazine.org/self-taught-ai-shows-similarities-to-how-the-brain-works-20220811/

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